14 Juillet 2015 ou Patience dans l’espace

             Depuis une Loi de 1880, la date du 14 Juillet du calendrier grégorien est le jour où le peuple républicain français célèbre la prise de la prison de La Bastille, évènement emblématique de ce que l’historiographie officielle a sacralisé: LA révolution. Bien entendu, faisant fi de ce qui les avait précédé, les révolutionnaires de 1789 – et leurs descendants – affirmèrent avoir donné la liberté au Monde et avoir inventé les Droits Humains, ignorant sans doute La Magna Carta, l’Habeas Corpus, le Bill of Rights, la déclaration d’indépendance des colonies américaines de la Grande Bretagne, etc.               Ceci est finalement de peu d’importance au regard de ce qui nous attend le 14 Juillet 2015. Certes, ce jour-là, bien des Français applaudiront de voir partir leurs impôts en fumée lors des feux d’artifice de célébration, mais, à des milliards de kilomètres de ces enfantillages, se produira un évènement extraordinaire, lui, porté par News Horizons.

     Objectif : Pluton ! Certes, depuis la décision de l’Union Astronomique Internationale de 2006, Pluton n’est plus dans la série des planètes circumsolaires (gravitant autour de Sol) et est considérée maintenant comme une planète naine sans doute parmi les plus grands corps issus de la ceinture de Kuiper, ce que l’on nomme aussi les éléments transneptuniens (au-delà de la planète Neptune). Partie de la Terre le 19 Janvier 2006, la mission de la NASA baptisée New Horizons a pour tâche essentielle et jamais réalisée à ce jour de survoler de près Pluton. Après un long périple qui a utilisé les effets de fronde des planètes approchées, la sonde fut mise en hibernation électronique dont elle est sortie avec succès le 06 Décembre 2014. Elle était alors à 265 Mkm de son objectif qu’elle atteindra … le 14 Juillet 2015, ayant parcouru près de 7 Gkm en toute simplicité.

    Pluton est un monde de glace.

   A sa surface, la température moyenne estimée est de 50K (-223°c) et parmi des glaces de méthane et de gaz carbonique, la plus importante est la glace d’azote (98 %). Le diamètre de Pluton est estimé à 2306 km et celui de son grand satellite, Charon, à 1207 km, les quatre autres satellites étant très petits – le dernier connu aurait 15 km de diamètre. Par comparaison, le diamètre de la Lune, unique satellite de la Terre, est de 3474 km.

    Mais, direz-vous, pourquoi explorer des mondes aussi hostiles à l’homme ? Tout d’abord, la réponse la plus évidente est : par curiosité, par envie d’apprendre… et donc de comprendre ; cette posture apparait comme un invariant dans l’évolution de l’homo sapiens dans son habitat provisoire et comportant, lui aussi, des milieux hostiles. Ensuite, l’exemple le démontre, nous envoyons d’abord des missions robotiques repérer les lieux avant d’aller plus loin. Et enfin, la moisson d’informations, de découvertes, de surprises … attendue apportera des enseignements ô combien utiles pour des missions plus modestes, à notre portée immédiate.

   La conquête spatiale, et surtout les missions de longue durée à de grandes distances du berceau de l’homme, est synonyme « d’apprentissage de la patience ». Les techniciens et ingénieurs qui suivent la mission New Horizons depuis neuf années terrestres ont a géré régulièrement le temps mis par les messages envoyés par la sonde et les retours de modifications qui lui sont envoyés ; ainsi, lorsque NH touchera au but, le message d’arrivée nous parviendra 360 minutes plus tard, la distance Terre-Pluton étant a priori à ce moment à 45 UA de la Terre (UA = Unité Astronomique = 150 Mkm, en référence à la distance Terre-Sol). Or, la qualité des messages de correction envoyés depuis le centre de suivi de la mission vers les ordinateurs et instruments de la sonde et les résultats positifs recueillis en retour dans des conditions extrêmes permettent de faire progresser et d’améliorer ces états pour des communications interactives entre la Terre et des missions situées à des distances plus faibles, que ce soit des missions robotiques (landers and rovers) ou des missions humaines à venir, comme celles qui sont envisagées avec l’arrivée de l’homme sur Mars.

   Au-delà des aspects techniques et scientifiques (découvertes) qui viennent d’être décrits, il ne faut pas sous-estimer ce qu’ils nous apprennent d’un point de vue psychosociologique. En effet, il n’est que de lire la documentation décrivant la frénésie de la vie moderne pour s’en convaincre et en tirer des instructions nous amenant à relativiser ce mouvement brownien souvent désordonné et peu efficace. L’apparition des mouvements « slow » depuis une quinzaine d’années, slow-food, slow-cities, éloge de la lenteur… essentiellement « terrestres » peuvent s’approvisionner en comportements concrets, réalisés, vécus, récurrents… issus du spatial. La lenteur des communications avec l’espace lointain est un paradoxe de la vie terrestre si frénétique, souvent en pure perte d’énergie et de sens. Observer Pluton lors de l’arrivée de New Horizons demandera beaucoup de patience, beaucoup de sérénité, beaucoup de … relativité, comme aurait dit Albert !

   Quant aux techniciens eux-mêmes (a fortiori les spationautes du futur), ils seront de plus en plus amenés à muter, c’est-à-dire, pour les volontaires ça va de soi, que leur constitution humaine organique sera amenée à être modifiée pour assurer leurs fonctions d’accompagnement des missions robotiques de plus en plus complexes, pour dialoguer avec des systèmes d’information de plus en plus hybrides entre la pensée humaine et l’intelligence artificielle ; et, pour les spationautes, pour affronter du mieux possible des conditions a priori hostiles à l’homme. Nous touchons là ce que l’on nomme génériquement « l’homme augmenté » à travers des prothèses, cyberthèses, exothèses… La question de l’installation de l’être humain sur Mars – à notre portée – peut se résumer dans deux écoles : soit « terraformer » la planète rouge pour qu’en quelques siècles elle ressemble un peu à la Terre et permettent à ses nouveaux habitants de vivre sans scaphandre ; soit adapté l’être humain aux conditions particulières de Mars pour qu’il puisse s’y installer sans trop de difficultés.

      La solution sera sans doute hybride.

Nous avons donc un rendez-vous majeur le 14 Juillet 2015.

Après le succès formidable de la mission Cassini-Huygens sur le satellite de Saturne, Titan [2004], après le formidable succès de la mission Rosetta-Philae sur la comète Churyumov-Gerasimenko [2014], espérons que New Horizons sera non seulement un grand succès de l’exploration spatiale, mais aussi un pas de géant dans nos connaissances nous permettant d’accéder à comprendre de mieux en mieux d’où nous venons… en attendant de partir de plus en plus loin vers les étoiles.

     Pendant ce temps, Curiosity (Mars Science Laboratory) [2012] crapahute sur les sols variés de Mars et nous envoie chaque jour des images et des informations exceptionnelles et souvent très belles esthétiquement. Bref, l’utile et l’agréable à 65 Mkm de nous…

Liam FAUCHARD / FutureScan / Mars 2015

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