Fractures européennes – Une autre Europe est possible

L’Europe fait face à une crise économique importante, qui fait apparaître au grand jour ses divisions et des fractures internes à différents niveaux – entre le Nord et le Sud du continent, entre les riches et les pauvres… – Précarité, chômage, baisse du pouvoir d’achat sont le quotidien des Européens. Cette crise économique a son fondement sur un fait indéniable : l’Euro est encore actuellement aux prises avec des problèmes structurelles qui lui sont propres. Son architecture s’est avérée défaillante, menant de la sorte à la naissance de déséquilibres cumulés au fur et à mesure.

            Parallèlement, les politiques d’austérité appliquées un peu partout ainsi que la mondialisation mal contrôlée, ont-elles fini par ébranler le système et surtout conduire au bord de la faillite certains Etats et dans la misère un grand nombre de personnes ; l’écart entre riches et pauvres se creusant encore davantage…

 

Charalambos PETINOS

L’Harmattan – 2016 – 135 pages

 

            « Après trois décennies de recul, l’assujettissement des économies au pouvoir des banquiers paraît limpide. »

L’auteur a choisi de commencer son essai par cette citation pour montrer les dérives du système financier mondial et européen, en particulier. Elle résume de façon concise la domination du Monde par les financiers.

Outre cette domination de la finance, la crise économique européenne trouve aussi son fondement dans les problèmes structurels de l’Euro. De plus, d’un côté il y a la mondialisation qui nécessiterait une Europe plus unie. En face de cela on assiste à l’émergence d’une différenciation entre les Pays du Nord et les Pays du Sud, les premiers imposant leur point de vue. On assiste aussi à un renforcement du « national », à la tentation de jouer perso, par exemple dans la législation du travail, dans la politique fiscale, si bien que le dumping social et fiscal est devenu une triste réalité.

 

La crise chypriote de 2012/2015 sert de cas d’école pour C.P. On voit le rôle prédominant de la troïka (FMI, BCE, Commission Européenne). Chypre aurait été traitée comme un « animal de laboratoire » pour mettre au point la domination des plus forts. Les grands Pays de la zone Euro sortant gagnants de la solution retenue pour la sortie de crise, au détriment du prix payé par Chypre sur le plan humain. Le 03 Avril 2015, bonne nouvelle : « La levée des restrictions… marque le retour à des conditions normales »… malgré un chômage autour de 16% de la population active.

 

La crise grecque donne lieu à une étude plus détaillée via des développements dramatiques qui ont tenu en haleine le Monde entier durant l’année 2015. Après l’élection du 25 Janvier 2015 (77% du corps électoral grec n’a pas voté pour Siriza / NDL), un pays met en cause l’orthodoxie économique et questionne le bien-fondé de la financiarisation de l’économie mondiale qui n’a pas de volet de redistribution plus juste. On se trouve face à deux positions inconciliables : celle du gouvernement grec e celle des institutions (ex-troïka). La situation s’envenime. La Grèce est un Pays plus important et plus ancien que Chypre dans l’Union Européenne. On voit apparaître l’importance du camp allemand mais aussi l’éventualité d’une sortie de la Grèce de la zone Euro (Grexit).

Il n’est pas possible de résumer ce roman fleuve que l’auteur développe sur une quarantaine de pages, plus une vingtaine sur la chronologie de la crise. Nous retiendrons le référendum du 05 Juillet 2015 pour le Non au plan proposé par « Bruxelles » ; il s’agissait de faire vivre la démocratie en donnant la parole au peuple grec (sic).

 

 

 

Au fil des pages, on retiendra aussi quelques phrases symboliques qui illustrent la position de l’auteur sur le fonctionnement de l’U.E. :

« L’UE implique une coexistence entre Etats à égalité de droits. »

« Le secteur financier a pris le contrôle de la politique et du pouvoir. »

« En ce qui concerne la stratégie budgétaire de l’Union, nous en débattons au Parlement Européen mais nous ne pouvons pas l’amender. » [1]

« L’axe « troïka » a une responsabilité criminelle, celle d’avoir causé une récession majeure ».

[1] = Ce qui est faux. Cf. Traité de Lisbonne de 2009. Et nous passerons sur le « Prix Nobel » de J. Stiglitz… puisque ce prix n’existe pas !

 

Après examen détaillé des crises chypriote et grecque, l’auteur, dans un chapitre central pose la question « Une Europe allemande ? ». Malgré la volonté allemande de se présenter comme un Etat normal et un partenaire parmi les 28, la question se pose et la réponse n’est pas simplistement binaire. A travers l’examen du comportement de la RFA, c’est finalement la question fondamentale et dérangeante, celle du capitalisme. « Le capitalisme tel qu’il est aujourd’hui peut-il encore permettre à une forme de démocratie d’exister ? » Même Albert Einstein est appelé dans la démonstration par la citation d’un extrait d’un de ses textes écrit en Mai 1949 « Le capitalisme, voilà la source du mal. » Sans répondre directement  à la question relative à l’Allemagne, C.P. nous montre de façon détaillée comment elle fut toujours en première ligne dans la recherche de solutions aux crises chypriote et surtout grecque. Les dirigeants germaniques affirment qu’il n’y a pas de diktat allemand ; mais en même temps ils s’engagent à ce que les plans d’aides ne coûtent rien à leurs contribuables…etc…

 

« Une autre Europe est possible ».

L’auteur ne consacre aucun chapitre au sous-titre de son livre. Ses proposition sont très générales, voire vagues et peu structurées. Au fil des pages on trouve néanmoins quelques principes. Il propose :

¤          Une Europe unie : coexistence entre Etats à égalité de droits.

¤          Une Europe respectueuse des valeurs humanistes qui ont jalonné sa formation : liberté, démocratie, primauté du droit, solidarité.

¤          Une Europe proche de ses citoyens et des citoyens impliqués dans cette construction.

Banal. Le lecteur n’en saura pas plus…

 

Renvois :

 

¤ Suzanne BERGER, Made in Monde (Variétés économiques) – FW N°20.

 

¤ François GARCON, Le modèle suisse – FW N°33.

 

¤ Régis DEBRAY, Eloge des frontières – FW N°41.

 

¤ Elisabeth GUIGOU, L’Europe : les défis à venir … – FW N°52.

 

¤ Jean FLORY, Union Européenne : Un avenir exceptionnel – FW N°55.

 

 

PQ