L’imposture économique

L’imposture économique est la traduction du livre « coup de poing » de l’économiste australien Steve Keen paru sous le titre Debunking Economics.

Figure de proue du New Economics Thinking (une nouvelle manière de penser l’économie), Steve Keen développe dans son ouvrage une critique systématique de la pensée économique néoclassique dominante. Loin de se contenter d’en dénoncer l’irréalisme ou les biais idéologiques, il dévoile de l’intérieur les graves incohérences des fondements logiques de l’économie orthodoxe, montrant que celle-ci ne parvient à se perpétuer que parce que les étudiants en économie sont maintenus dans l’ignorance des lacunes de leur discipline.

 

Cet ouvrage, « fondateur » pour l’économiste Gaël Giraud (qui a assuré la direction scientifique de la traduction et en signe la préface), démonte une à une les grandes pièces de l’édifice dogmatique : aucune des théories qui composent le « dur » de l’économie universitaire depuis la fin du XIX° siècle ne résiste à l’analyse, depuis la microéconomie du consommateur jusqu’à la théorie néokeynésienne de la déflation, en passant par l’efficience des marchés financiers et la théorie du capital. Et, sur les ruines de l’orthodoxie défaite, Steve Keen jette les bases solides d’une « autre économie », suggérant d’autres manières, beaucoup plus cohérentes et scientifiques, de penser l’économie.

 

Le livre a suscité de nombreux débats lors de sa publication en anglais : il répond aux questions que chacun se pose sur la pertinence des arguments économiques exposés depuis la crise des subprimes, et invite à engager une réforme profonde de l’enseignement et de la recherche en économie dans le monde.

 

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            Référence : 

Steve KEEN

L’imposture économique

Les Editions de l’Atelier – 2014 – 530 pages

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I – PREDIRE L’IMPREVISIBLE

 

Dans ce chapitre, Steve Keen résume l’édition précédente (2000) de son livre.

 

Les tenants de l’économie néoclassique, qui domine l’enseignement de l’économie et les revues professionnelles, la défendent en prétendant que leur théorie fonctionne en dehors de toute dépression, puisque, selon eux, une dépression est impossible.

Il s’agit donc d’un acte de foi de la majorité des économistes, qui refusent toute remise en cause. Pour eux, le marché assure que tout est pour le mieux, la société fonctionne sans régulation d’une autorité centrale. La vision néoclassique est celle d’un équilibre permanent.

Or, la réalité est tout autre : l’économie génère des cycles, des déséquilibres et des dépressions.

 

II – NO MORE MR NICE GUY

 

Le modèle néoclassique n’a pas permis d’anticiper la crise financière de 2008. Or, un indicateur, notamment, permettait de prédire la crise : le ratio dette privée / PIB, qui était à 175% en 1929, qui a atteint 300 % en 2007. Il est vrai que les économistes négligent la prise en compte du facteur « dette privée » !

 

Si l’économie néoclassique est pertinente au niveau individuel, elle échoue dans l’agrégation ; la litanie est la suivante : « les individus doivent poursuivre leurs propres intérêts, et laisser au marché la régulation des intérêts de la société ».

Les deux principes centraux de l’économie néoclassique sont : 1) le prix est fixé par l’offre et la demande. 2) l’égalisation du coût marginal et de la recette marginale maximise le profit.

Steve Keen remet en cause ces deux principes.

 

III – LE CALCUL DE L’HEDONISME

 

L’individu recherche le maximum de satisfactions, l’intérêt de la communauté est la somme des intérêts des individus. La courbe de demande individuelle avec l’utilité décroissante se traduite par des courbes d’indifférence avec un effet de substitution positif (on consomme moins d’un bien si la chute de son prix augmente le revenu réel) ou négatif (on consomme plus d’un bien si la chute de son prix augmente le revenu réel).

Si la loi de la demande se démontre pour un consommateur unique, elle n’est pas applicable à un groupe de consommateurs : elle ne fonctionne pas pour la demande agrégée, dont la courbe peut avoir n’importe quelle forme : il peut y avoir 2 niveaux ou plus de demande pour un prix donné, même si tous les consommateurs maximisent leur utilité, avec un comportement qui obéit individuellement à la loi de la demande.

Les prix ne résultent pas de l’équilibre de l’offre et de la demande, car la distribution du revenu est modifiée par les mouvements de prix.

Le problème vient du fait que l’économie est analysée comme si elle était composée d’un unique agent représentatif (le « consommateur rationnel » de Samuelson démenti par les expériences de Sippel).

 

IV – LA TAILLE IMPORTE VRAIMENT

 

Selon les néoclassiques, la perfection économique est atteinte lorsque l’utilité marginale (du consommateur) est égale à la recette marginale (du producteur). Steve Keen démontre que les recettes et les coûts réels des entreprises ne ressemblent en rien à ce que supposent les néoclassiques, même dans le modèle du monopole. Dans le modèle de la concurrence parfaite, le niveau de production est plus élevé, et le prix est plus faible que dans le modèle du monopole. Mais la concurrence parfaite n’existe pas, car elle supposerait une absence de barrières à l’entrée, et un nombre très grand de très petites entreprises afin qu’aucune entreprise n’ait une influence significative sur le marché, et qu’aucune entreprise ne réagisse au comportement des autres entreprises. Le concept économique de concurrence parfaite est donc fondé sur une erreur mathématique : l’assimilation d’une quantité faible à 0.

 

En outre, le marché de concurrence parfaite est instable, et le concept d’économies d’échelle, qui sont plus importantes dans les grandes entreprises que dans les petites, a été négligé par les économistes.

La vraie formule de maximisation des profits est différente de l’égalité de la recette marginale et du coût marginal. Car dans une industrie avec plusieurs entreprises, les actions des autres entreprises affectent les profits d’une entreprise donnée. Le profit = recette – coût, et la recette peut varier du fait d’un changement de production d’une autre entreprise.

 

V – LE PRIX DE TOUT ET LA VALEUR DE RIEN

 

Selon la théorie néoclassique de la production, la productivité décroit quand la production augmente. En réalité, les coûts de production sont constants ou décroissants ; donc la courbe de coût marginal est soit plate, soit décroissante. La courbe d’offre est donc décroissante.

Sraffa a émis la loi des rendements décroissants, qui modifient la courbe d’offre, mais altèrent aussi la demande.

Dans le monde réel, les entreprises sont capables de modifier facilement les facteurs de production sans incidence sur les coûts : la productivité restera constante malgré l’augmentation de la production : si on augmente les inputs de 20%, la production augmente de 20%. L’objectif de l’entreprise est d’atteindre le seuil de rentabilité, à partir duquel toute vente additionnelle engendre des profits. Pour les entreprises, un accroissement de la production génère une augmentation de l’utilisation de travailleurs et de machines déjà disponibles : la productivité reste identique et peut même augmenter, ce qui met en brèche la théorie de la productivité marginale décroissante.

 

Pour la théorie classique, les prix sont déterminés par les coûts, et la demande fixe la quantité vendue. Dans la réalité, si on augmente la production, il faut augmenter les coûts de marketing et financiers pour vendre. Une entreprise choisira un niveau de production où sa recette marginale excède son coût marginal de fabrication. La production sera contrainte par le coût de marketing (pour élargir ses ventes aux dépens des concurrents). L’effet du marketing, c’est de modifier la courbe de demande au profit de l’entreprise.

Alors que les néoclassiques considèrent que les produits sont homogènes, et que les consommateurs décident de leurs achats uniquement en fonction du prix, qu’il n’y a aucun effet d’attrait de marque et aucun coût de transport.

 

La théorie néoclassique de maximisation des profits est doublement erronée : premièrement, elle ignore l’impact des initiatives des autres entreprises sur notre propre profit, deuxièmement, elle ignore le temps (donc, les ressources mises en œuvre pour investir ou développer de nouveaux produits) : on reste dans un cadre statique.

 

VI – A CHACUN SELON SA CONTRIBUTION

En ce qui concerne le marché du travail, selon les économistes, l’offre (de travail) provient du consommateur, et la demande du producteur ; les salaires sont peu susceptibles de refléter les contributions des travailleurs à la production.

Les néoclassiques ont construit des courbes croissantes d’offre de travail individuelle et agrégée. En fait, les courbes sont décroissantes, car les travailleurs offrent moins de travail lorsque les salaires augmentent (la durée de travail est moindre).

 

Le chômage involontaire existe lorsque l’emploi offert par les entreprises est inférieur au travail proposé par les travailleurs. La baisse de salaire ne réduit pas forcément l’écart.

L’analyse de l’offre et de la demande est inappropriée pour caractériser le marché du travail, d’autant plus que le pouvoir de négociation des entreprises et des travailleurs est important.

 

L’alternative est présentée comme un arbitrage entre le travail et les loisirs. Or, le travail n’est pas une option mais une nécessité : travailler ou mourir de faim. La théorie de l’offre et de la demande des néoclassiques ne fonctionne que si une « autorité centrale bienveillante » redistribue le revenu pour « maintenir égale la valeur éthique du dollar marginal de chaque individu ». Autrement dit, une dictature redistribue les richesses pour que chacun soit heureux de la distribution qui en résulte ; la théorie néoclassique a donc besoin d’une dictature pour faire fonctionner son modèle.

 

 

VII – LA GUERRE SAINTE DU CAPITAL

 

« Capital » a 2 sens : somme monétaire ou ensemble de machines. Les économistes supposent qu’ils peuvent utiliser l’un ou l’autre indifféremment. Pourtant, pour tondre un mouton ou pour fabriquer de l’acier, on n’utilise pas la même machine.

 

La production est un système où l’on fabrique des marchandises en utilisant une combinaison d’autres marchandises et de travail.

 

Les différents modèles de Sraffa (sans surplus, avec surplus, avec surplus et travail explicite) montrent que la théorie économique ne peut pas considérer le taux de profit observé comme un reflet de la productivité marginale du capital. Au contraire, ce taux de profit dépend de la répartition du pouvoir relatif, des possibilités techniques des facteurs, et du succès ou de l’échec des récentes vagues d’investissement.

 

Le capital n’est pas une masse amorphe qui peut être déplacée sans coût d’une production à une autre ; son rendement ne reflète pas sa productivité marginale ; on ne peut agréger le capital en additionnant les prix multipliés par les quantités.

 

VIII – UNE METHODOLOGIE QUI MARCHE SUR LA TETE

 

Friedman a affirmé qu’une théorie doit être jugée par la justesse de ses prédictions, et non par le réalisme de ses hypothèses. Musgrave a avancé trois types d’hypothèses : les hypothèses d’exclusion, les hypothèses essentielles et les hypothèses heuristiques. Si elles sont peu réalistes, les hypothèses utilisées dans les théories plus avancées le sont encore plus, par exemple la maximisation rationnelle de l’utilité par les individus, la maximisation du profit par les entreprises, et toutes les hypothèses auxiliaires qui reposent là-dessus.

 

IX – DEFORMONS LE TEMPS A NOUVEAU

 

Les procédures valables dans une économie statique ne s’appliquent pas à une économie dynamique. Les modèles économiques ignorent le temps, et supposent que tout se passe à l’équilibre.

 

La quantité d’une marchandise est une fonction du prix. Si le prix initial du marché n’est pas un prix d’équilibre, la demande et l’offre seront en déséquilibre, par exemple si le prix est trop élevé, la demande sera faible et l’offre forte ; pour restaurer l’équilibre, des processus dynamiques doivent s’enclencher pour faire converger la demande et l’offre, ce qui prend du temps. Le temps, l’évolution des variables au cours du temps, et les situations de déséquilibre sont ignorés par les économistes.

 

L’équilibre général est le couronnement de la théorie économique, et son grand échec. La variation de prix sur un marché affecte la demande sur tous les autres marchés, provoquant ainsi une danse des marchés chaotique.

 

Walras a supposé qu’aucun échange ne pouvait se faire avant que l’équilibre ne soit réalisé sur tous les marchés. Il a imaginé un processus itératif de fixation des prix pour que l’offre égale la demande, comme avec un commissaire-priseur. Dans le monde réel, les choses ne se passent pas ainsi.

 

Même si Dubreu a enrichi le modèle de Walras, il continue la modélisation à l’équilibre, avec des outils statiques.

 

Phillips a présenté un modèle économique dynamique, mais on n’en a retenu que la relation entre le % de chômage et le taux de variation du taux de salaire, ce qui est une interprétation restrictive de sa théorie.

 

X – POURQUOI ILS N’ONT PAS VU VENIR LA CRISE

 

C’est-à-dire la grande récession de 2007-2008.

 

En s’appuyant sur divers modèles (IS-LM ou DSGE), les économistes annoncent en 2003 que la macroéconomie rendra toute dépression impossible ! En fait, la macroéconomie est devenue de la microéconomie appliquée, ce qui est réducteur. Si « le tout est la somme des parties » est exact en algèbre linéaire, c’est faux en algèbre non-linéaire ; les grands systèmes ont des comportements uniques à leur échelle, qui ne peuvent être déduits des comportements des composants isolés du système.

 

Selon Say, la vente des biens et services sur le marché est la source d’un revenu qui finance les achats (via la monnaie).

 

Pour Keynes, la production est constituée par l’investissement et la consommation. Dans l’économie à l’équilibre, la demande nette est nulle. Si la demande en consommation diminue, la loi de Say dit que la demande en investissement va augmenter pour compenser. Alors que pour Keynes, la demande d’investissement est liée aux anticipations de profits, qui dépendent de l’anticipation des achats des consommateurs. Des anticipations déprimées peuvent conduire les entreprises à réduire leur demande en investissement, conduisant ainsi à un déclin généralisé.

 

Marx avance que certains veulent accumuler de la richesse (caractéristique du capitalisme) ; Le capitalisme contredit les lois de Say et de Walras qui présument que chaque agent a pour objectif de rendre nulle sa demande nette. Si la valeur de la production dépasse celle des intrants, il y a génération de plus-value.

 

Minsky a introduit le crédit et la dette qui doivent combler le fossé existant entre acheteurs et vendeurs ; pour que la demande agrégée croisse, les plans de dépenses courantes doivent dépasser les revenus courants reçus. Walras et Say ignoraient le rôle du crédit dans une économie capitaliste.

 

Pour Kates, la demande au niveau global est le fait des offres agrégées. Les biens sont achetés par les recettes obtenues par la vente d’autres biens ET le crédit. La demande agrégée est ainsi la somme de l’offre agrégée et de la variation de la dette. Le crédit et les ventes d’actifs ont un rôle que Say et Walras négligeaient.

 

Selon Schumpeter, une entreprise qui a une idée mais pas les moyens financiers nécessaires va emprunter afin d’acheter les biens et le travail nécessaires à sa production ; cela va engendrer une demande de biens et de services supplémentaire. Si au niveau agrégé, échange et production se déroulent simultanément, le crédit déplace le centre de gravité.

 

Ainsi, Marx, Schumpeter, Keynes, Minsky et autres démontrent l’inexactitude des concepts de Say et Walras fondés sur la stabilité économique et l’équilibre.

 

Pour Keynes, l’investissement est entrepris sur la base d’anticipations formulées dans l’incertitude. La monnaie joue un rôle essentiel. Le pessimisme d’un agent le pousse à accroître ses réserves en monnaie. Si la consommation est relativement stable, l’investissement est plus volatil.

 

Hicks a introduit le modèle IS-LM fondé sur 3 principes : 1) la production est proportionnelle au stock de monnaie, 2) le taux d’intérêt détermine le niveau d’investissement, 3) le taux d’intérêt détermine le niveau d’épargne, car la totalité de l’épargne égale la totalité de l’investissement. Mais il néglige les incertitudes et les anticipations.

 

Pour Lucas, chômage et inflation varient dans des sens opposés. L’économie a un taux naturel d’emploi. Toute tentative pour augmenter l’emploi au-delà ne ferait qu’accroître l’inflation sans augmenter l’emploi. C’était avant 1970, où inflation et chômage grimpèrent en même temps.

 

Friedman insiste sur la neutralité de la monnaie : augmenter la quantité de monnaie n’a pour effet que de générer de l’inflation. Il défend un autre postulat : celui d’un marché libre, sans croissance, fonctionnant de façon autonome avec un stock de monnaie constant. Il s’installe à un niveau d’équilibre où l’offre égale la demande sur tous les marchés, et où toutes les ressources (y compris le travail) sont pleinement employées. Si on augmente la quantité de monnaie de 10%, les prix augmentent de 10 % car les agents anticipent une hausse de prix de 10 %. Les banques centrales ont alors tenté de limiter la croissance de l’offre de monnaie pour limiter l’inflation, ce qui a engendré une stagflation.

 

Lucas considère que les individus peuvent prédire le futur et éliminer les incertitudes ; c’est le concept d’anticipations rationnelles. Mais ce concept n’a de sens que si les modèles de l’économie sont ergodiques (le passé permet d’évaluer le comportement futur). Poussé à l’extrême, ce modèle explique que le changement de comportement des agents économiques peut neutraliser les effets de la politique d’un gouvernement).

 

Le modèle macroéconomique néoclassique repose sur un consommateur unique immortel, qui consomme la production (bien unique produit par une entreprise unique) que l’agent possède, où il est l’unique employé et où il se paie un profit égal à la productivité marginale du capital et un salaire égal à la productivité marginale du travail. Il n’y a ni banque ni dette ni monnaie. A partir de là, il y a 2 approches : l’une dans un état d’équilibre général parfaitement concurrentiel, l’autre imparfaitement concurrentiel. Ce modèle a permis d’expliquer la crise de 1929-1930 ainsi : quelque-chose a incité les salariés à décider de travailler moins, et ce fut interprété comme une montée du chômage. Certains économistes ont accusé les politiques industrielles publiques, dont l’effet a conduit les ménages à décider de prendre davantage de loisirs ! Un autre groupe a ajouté la concurrence imparfaite et quelques autres déviations, par exemple la politique monétaire d’une banque centrale qui ajuste le taux d’intérêt selon le taux d’inflation et l’ « output gap ».

 

Avec de tels modèles, les économistes néoclassiques ne pouvaient pas prévoir la grande récession de 2007-2008, d’autant plus que, selon ces modèles (notamment l’hypothèse des marchés efficients), un krach sur le marché des actifs était impossible !

 

XI – LE PRIX N’EST PAS LE BON

 

Pour les économistes, les marchés boursiers sont efficients : 1) tous les investisseurs ont des anticipations identiques sur les perspectives futures des entreprises 2) ces anticipations sont toujours correctes 3) tous les investisseurs ont un accès égal et illimité au crédit.

 

Donc chaque investisseur est quasiment Dieu !

 

 

 

Irving Fisher avait émis la théorie de détermination du prix des actifs en assurant que les marchés financiers sont rationnels. Il a rectifié après la crise de 1929 en admettant que les bulles spéculatives peuvent créer des dépressions. Pour lui, le taux d’intérêt exprime le prix de l’échange d’un bien présent contre un bien futur. L’offre de monnaie est croissante avec les taux d’intérêt, et la demande décroissante avec les taux d’intérêt. Le marché fixe donc le taux pour lequel l’offre égale la demande (de monnaie). Il y a toutefois l’aspect temporel, car on ne rembourse pas tout de suite.

Fisher a donc ajouté des hypothèses : 1) le marché doit être soldé à chaque instant 2) les dettes doivent être payées. Ces règles ont été violées en 1929. Fisher reconnaissait que la spéculation provenait d’argent emprunté parce que les consommateurs espéraient une augmentation future de leur revenu.

Mais le marché chuta de 90%, ce qui conduisit Fisher à émettre une autre théorie : L’instabilité prévaut sur l’équilibre et un niveau de dette excessif transforme l’instabilité en cataclysme avec chute du niveau des prix. Le mécanisme de la dépression est alors le suivant : 1) L’investisseur trop confiant engage des fonds à un niveau trop élevé 2) La baisse des cours engendre une vente d’actifs en détresse, pour couvrir le paiement de la dette 3) la chute des prix provoque une augmentation relative de la dette 4) réduction des profits, de l’investissement et de l’emploi 5) ceux qui ont du cash le gardent 6) les taux d’intérêt augmentent. Cette seconde théorie a été ignorée, au profit de l’hypothèse des marchés efficients.

 

L’hypothèse des marchés efficients (HME) repose sur les travaux de Sharpe, qui a avancé l’idée d’un arbitrage entre le rendement et le risque, en établissant des courbes d’indifférence. La droite de budget représente l’éventail (le nuage) d’investissements que l’individu peut réaliser. Les prêteurs proposent un taux d’intérêt différent pour chaque emprunteur, et augmentent le taux d’intérêt au fur et à mesure que les emprunteurs s’endettent. Il y a un problème d’agrégation lorsque l’on passe d’un individu à la société, d’où les hypothèses supplémentaires : tous les investisseurs peuvent emprunter ou prêter autant qu’ils le désirent au même taux, et tous les investisseurs sont d’accord sur les perspectives anticipées de chaque investissement. Sharpe s’est ainsi réfugié derrière l’échappatoire de Friedman (l’irréalisme des hypothèses est sans importance).

 

La réalité est toute autre : les investisseurs diffèrent dans leurs anticipations, le futur est incertain, et le crédit est rationné. Aucun crédit ne peut donc être accordé à l’hypothèse des marchés efficients, d’autant plus que pour Sharpe, la mesure du risque est l’écart-type, alors qu’on ne peut connaître le rendement ni le risque d’un investissement : le marché boursier est le lieu de la passion, et non de la rationalité analytique. Le futur est incertain, donc le prévision supposée par la HME est impossible.

 

Si Fisher a été un observateur de la crise de 1929, Bernanke, en tant que président de la Réserve Fédérale, a été un acteur de la crise de 2008 qu’il n’a pas su prévoir ni anticiper.

 

XII – MEPRISES SUR LA GRANDE DEPRESSION ET SUR LA GRANDE RECESSION

 

Grande dépression : 1929, Grande Récession : 2008.

 

En raison du décalage entre la théorie néoclassique et la réalité, Bernanke a expliqué que la cause du krach de 1929 a été la mauvaise gestion de la base monétaire et un effondrement de la demande agrégée. Il a nié l’importance de l’irrationalité dans la vie économique, et a caricaturé la théorie de la déflation par la dette de Fisher. Son erreur principale fut de nier les effets macroéconomiques de la dette.

 

 

Or, la vraie raison est l’inclination du système financier à créer trop de dettes. Les variations de Mo (monnaie fiduciaire + réserves des banques privées) sont la conséquence du chômage. En fin 2008, Bernanke a doublé la base monétaire en 5 mois, ce qui n’a eu aucun effet sur l’inflation, puisque M1 (monnaie fiduciaire + comptes chèques) n’a augmenté que de 20% ; il y avait donc moins de monnaie en circulation et sur les comptes chèques que dans les réserves des banques commerciales. C’est donc le mythe du multiplicateur monétaire qui s’écroule : la monnaie crédit des banques est créée avant la monnaie fiduciaire, la banque centrale doit suivre pour éviter un « credit crunch » (effondrement des réserves obligatoires des banques).

 

Les tentatives d’explication de la Grande Récession se basent sur des chocs exogènes. Personne n’a modifié les modèles pour inclure l’incidence de la dette privée, et le fait que la croissance de la dette stimule la demande agrégée.

 

Ainsi, Krugman ne voit le prêt que comme un transfert du pouvoir d’achat d’un agent à un autre, et non comme une augmentation du pouvoir d’achat en créant simultanément de la monnaie et de la dette. Ni les banques, ni la monnaie n’existent dans son modèle.

 

XIII – POURQUOI J’AI VU VENIR LA CRISE

 

Keen a développé un modèle mathématique dans un cadre dynamique de déséquilibre, s’appuyant sur la vision de Minsky, elle-même inspirée de Marx, Schumpeter, Fisher et Keynes.

 

Pour Minsky, la dépression est une alternative économique possible. Minsky propose une conception monétaire du capitalisme et souligne les interactions entre capitalistes, banquiers, salariés, Etat.

 

Keen s’est basé sur ce modèle, en l’enrichissant par les apports de Goodwin, qui considère que des salaires élevés et un fort taux d’emploi font que les salaires absorbent la majorité du produit donc les profits sont faibles, et les investissements peu élevés, ce qui se traduit par un faible taux de croissance de la production, donc une hausse du taux de chômage, une baisse des salaires entraînant une hausse des profits, puis une hausse des investissements et de la production, donc une augmentation des salaires, etc… C’est un modèle cyclique, qui ne converge pas vers l’équilibre, ni vers l’effondrement.

Il convient de rectifier le modèle de Goodwin : les capitalistes investissent moins que le profit quand le taux de profit est faible, et plus que le profit quand le taux de profit est élevé ; c’est là qu’intervient la dette : en période d’expansion, quand l’investissement dépasse le profit, les capitalistes empruntent pour financer l’investissement supplémentaire, donc la variation de la dette = investissement – profit.

L’évolution du ratio Dettes/PIB est exponentielle. Quand la spirale s’arrête, on a un déclin proche d’une dépression.

La demande agrégée = PIB + variation de la dette. Elle est donc volatile, car la variation de la dette peut être brusque et extrême. Une augmentation de la dette crée un boom, une baisse de la dette une récession. Dans ce cas, une hausse de a dette augmente les capacités productives.

 

Les prêts peuvent aussi financer des achats spéculatifs d’actifs existants. On a alors offre agrégée = production de biens et services + achats nets des actifs existants. Dans ce cas, une élévation de la dette n’augmente pas les capacités productives.

 

Avant 2008, la dette augmentait plus vite que le PIB, il y avait donc de la spéculation. La chute brutale de la demande agrégée en 2009 a porté un coup fatal aux marchés d’actifs. Ce fut en particulier l’explosion de la bulle immobilière.

 

La demande agrégée détermine l’emploi, donc le chômage croît quand le taux de croissance de la dette diminue. Le taux de variation du taux de variation de la dette impacte le taux de croissance économique. L’économie tend à la récession tant que le ratio Dette/PIB ne se stabilise pas.

La cause fondamentale de la Grande Récession (et aussi de la Grande Dépression) a été une bulle spéculative financée par la dette.

Si on compare la période 1920/1930 et la période 2000/2010 :

 

 

Période 1920/1930 Période 2000/2010
Augmentation de la dette

 

50% 140%
Montant de la dette 161G$ 42000 G$
  en 1930 en 2009
Dette/PIB 175% 298%
Dette portée par les entreprises qui ont baissé leur prix pour conserver les clients. Donc, déflation Dette portée par le secteur financier puis les consommateurs. Déflation moindre, mais demande atone

 

A noter le rôle dominant de la dette privée, et la corrélation entre la variation de la dette et le niveau d’emploi.

La solution pour sortir du processus, est d’effectuer un rééchelonnement unilatéral de la dette.

 

Lorsque les crédits sont octroyés pour la consommation ou l’investissement, la dette reste sous contrôle. Quand les prêts servent à spéculer sur les prix des actifs, la dette augmente plus vite que les revenus, générant une fausse expansion économique, condamnée à l’effondrement. Des crédits ont été accordés par les banques, qui savaient que les emprunteurs ne pourraient pas rembourser : de tels prêts (subprimes) ne devraient pas être honorés.

 

Le rôle normal des banques, c’est le financement de l’investissement pour le capitalisme industriel.

 

XIV – UN MODELE MONETAIRE DU CAPITALISME

 

La macroéconomie est un champ d’analyse autonome, qui consiste à décrire l’économie au niveau des agrégats. Le rôle de la monnaie est très important.

 

Suite à la Grande Dépression, le plan de sauvetage a injecté des fonds dans les entreprises et les ménages plutôt que les banques : la hausse du revenu a été bien plus accentuée. L’intérêt des banques est de créer autant de dettes que possible, surtout si elles sont remboursées lentement.

 

Dans le modèle de Minsky, demande agrégée = revenu + variation de la dette. Le revenu finance la consommation, et la variation de la dette l’investissement.

Les prix ont tendance à converger vers un niveau où la valeur monétaire de la demande égale la valeur monétaire de l’offre. Or, la valeur monétaire de la demande = salaires + profits.

 

Un plan de sauvetage des entreprises a pour effets une baisse du chômage plus rapide, des salaires et profits plus élevés, une reprise des prêts plus rapide. Les seuls perdants sont les banques.

 

Steve Keen a utilisé un modèle mathématique appelé QED (Quesnay Economic Dynamics), basé sur une méthodologie comptable en parties doubles.

 

XV – POURQUOI LES MARCHES BOURSIERS S’EFFONDRENT

 

Plusieurs théories tentent d’expliquer les marchés boursiers.

 

Selon la théorie des marchés efficients, la volatilité du marché des actions est due à l’apparition aléatoire de nouvelles informations (car les investisseurs sont présumés rationnels). En fait, la volatilité du marché des actions est due essentiellement à sa propre dynamique interne.

 

Théorie de fa finance comportementale, fondée sur 4 axiomes : 1) complétude : un agent peut décider s’il préfère une marchandise à une autre 2) transitivité : si A est préféré à B et B à C, alors A est préféré à C 3) indépendance : l’addition de 2 mises ne change pas le classement quand les mises sont faites séparément 4) continuité : si le panier A est préféré au panier B et B à C, il existe une combinaison de A et de C aussi désirable que B.

Cette théorie est valable pour des expériences répétées plusieurs fois. Ces comportements conduisent les marchés financiers à s’écarter de leur valeur fondamentale.

 

Hypothèse des marchés fractals : interprétation statistique des prix du marché. Les prix du marché boursier ne suivent pas la marche aléatoire prédite par l’HME (hypothèse des marchés efficients), mais se conforment à une tendance « fractale ». Un ensemble fractal de nombres peut générer des évènements extrêmes. Chaque nombre de la série est une fonction simple non linéaire des précédentes valeurs de la série. Dans le marché, se déroulent des processus endogènes où les mouvements de prix aujourd’hui déterminent les mouvements futurs, il est donc impossible de prédire la direction et l’ampleur des variations du marché. Cette théorie est plus en adéquation avec les données du marché boursier que l’HME, qui affirme que le marché tend vers l’équilibre.

 

Hypothèse des marchés inefficients : le marché boursier surréagit avec imprécision aux prix et exemples passés des succès et échecs des entreprises. Les spéculateurs échangent en fonction de ce qu’ils pensent que les autres feront. La volatilité endogène des marchés est conduite par les variations de prix engendrées par les réactions du marché à ses propres fluctuations.

 

L’éconophysique. Application des techniques analytiques de la physique moderne aux sciences sociales, et surtout à la finance. Le comportement des marchés financiers résulte des interactions d’un grand nombre de participants, générant des séries temporelles de données financières très instables et imprévisibles. C’est similaire au comportement des matériaux dans un réacteur nucléaire ou des plaques tectoniques dans une zone à risques. Les techniques mathématiques utilisées dans ces domaines peuvent s’appliquer aux finances.

 

Selon ces théories, les marchés d’actifs accomplissent mal leur rôle d’allocation du capital. De plus, l’abolition du Glass Steagall Act en 1999 a libéré le secteur financier d’entraves qui auraient pu éviter les folies financières. La culture de l’endettement a remplacé la prudence. Le contrôle institutionnel de la finance a failli, car les régulateurs sont devenus les défenseurs des organisations qu’ils devaient surveiller (exemple : Greenspan soutenant les actifs financiers toxiques). L’endettement s’est ajouté aux dettes existantes sans améliorer la capacité de l’économie à assurer le service de ses dettes.

 

Deux mesures pourraient éviter une nouvelle crise financière :

 

¤ Limiter la durée de vie des actions à 50 ans, dès qu’elles sont vendues par leur propriétaire initial.

¤ Limiter l’effet de levier sur le revenu de la propriété : plafonner la dette reposant sur les revenus de la propriété à 10 fois la rente annuelle de ladite propriété.

Ces mesures éviteraient une nouvelle bulle immobilière : les prix montent si haut qu’il n’y a plus d’acheteurs, le service de la dette n’est plus assuré par le revenu, d’où des ventes en détresse et la bulle explose. Mais la dette, elle, reste.

 

XVI – NE TIREZ PAS SUR MOI, JE NE SUIS QUE LE PIANO

 

Une partie des mathématiques utilisées par la théorie néoclassique n’est pas solide. D’abord parce que les hypothèses contredisent d’autres conditions nécessaires, donc la théorie est construite sur des erreurs mathématiques, par exemple elle viole le théorème de dérivation des fonctions composées. Ensuite, de mauvais outils mathématiques sont utilisés pour analyser les processus dynamiques d’une économie de marché. Enfin, aucun compte n’est tenu des limites à la logique mathématique.

 

Une contradiction logique apparaît notamment sur la proposition qu’on peut agréger les courbes de demandes individuelles pour en déduire une courbe de demande agrégée ayant les mêmes caractéristiques. Ce n’est possible qu’avec les conditions SMD (Sonnenschein-Mantel-Debreu) : 1) les consommateurs ont un même ensemble de préférences 2) les préférences ne varient pas avec le revenu. Donc 1) il n’y a qu’un consommateur 2) il n’y a qu’une marchandise. Ce n’est donc plus de l’agrégation.

 

Des variables sont omises. Le concept de maximisation des profits si le coût marginal = les recettes marginales est erroné, car on ignore le temps. Si on intègre le temps, il faut que la recette marginale excède le coût marginal. Le temps est un aspect essentiel de la réalité, ainsi que la monnaie et la dette.

 

De fausses égalités sont émises, par exemple considérer que ce qui est très petit est égal à 0.

 

Des conditions sont inexplorées. On suppose que la courbe d’offre de l’industrie concurrentielle équivaut à la courbe de coût marginal du monopole, ce qui n’est possible que si les deux courbes sont des droites horizontales. On suppose que la valeur monétaire du capital mesure la quantité de capital, alors que les machines sont produites par d’autres machines + du travail.

 

Les mathématiques ont des limites, elles ne peuvent tout résoudre. D’où les échecs pour aborder l’analyse non linéaire et la théorie du chaos.

 

La théorie économique affirme que les phénomènes sont représentés par des courbes ; en réalité, ce sont des droites. Le postulat que la société est la somme de ses parties et que pour travailler au niveau agrégé il suffit d’ajouter les parties entre-elles est erroné, car il considère comme nulles ou négligeables les interactions des parties entre elles.

 

XVII – PLUS RIEN A PERDRE, SINON LEUR AME

 

Selon Marx, le travail est l’unique source du profit.

 

La valeur est le rapport normal auquel deux marchandises s’échangent.

Les économistes classiques distinguent la valeur d’usage (utilité) et la valeur d’échange (effort pour produire la marchandise).

Pour les néoclassiques, la valeur réside dans l’œil de l’observateur, elle est subjective. Le prix reflète la valeur subjective accordée au produit par l’acheteur et le vendeur. Il y a un ratio d’équilibre utilité marginale / coût marginal auquel deux marchandises s’échangent.

 

Selon Smith, le travail est source de valeur. Le prix = travail + profit + rente (rémunération de la terre). Il n’y a plus de relation stricte entre prix et valeur.

Pour Ricardo, une machine n’ajoute au produit que la valeur qu’elle a perdu par sa dépréciation.

 

Pour Marx, seule la valeur détermine le ratio d’équilibre auquel 2 marchandises s’échangent. Le travail est une marchandise unique. Ce qui est vendu, c’est la force de travail. La plus-value (source de profit) = travail – force de travail.

2 inputs sont nécessaires : le travail nécessaire (capital variable V) et les moyens de production (capital constant C). Si S est la plus-value, S/V est constant dans les industries. Comme C grandit avec le temps, S/(V+C) tend à diminuer. Le taux de profit chute, donc les capitalistes tentent de baisser les salaires, d’où révolte et révolution socialiste.

 

Fabriquer une marchandise nécessite travail direct + machines + biens intermédiaires + matière premières. Tous les inputs peuvent être réduits à travail extérieur + autres inputs marchandises. Donc la valeur ne peut être seulement dérivée à partir du travail. Il y aura plus-value si l’augmentation de ce que produit une machine excède sa dévalorisation au cours de la production. Si la plus-value peut provenir de tout input productif (et pas seulement du travail), le ratio capital/travail peut chuter, augmenter ou rester stable.

 

XVIII – IL EXISTE DES ALTERNATIVES !

Des alternatives aux théories néoclassiques existent.

L’école autrichienne est en phase avec les néoclassiques, à part l’obsession pour l’équilibre : le capitalisme répond au déséquilibre. Toute situation économique est en déséquilibre. L’entrepreneur essaie d’en profiter pour faire des superprofits. Il agit avec audace face à l’incertitude. Défauts : 1) accepte la loi des rendements décroissants dans la production 2) croit à l’auto-ajustement de l’économie capitaliste 3) réfute l’ingérence de l’Etat dans l’offre de monnaie 4) accorde peu de place aux mathématiques pour l’analyse économique.

L’école post-keynésienne souligne l’incertitude dans l’analyse économique. Economie monétaire et non économie de troc. Insiste sur la création monétaire par le crédit, la nature de la monnaie, le rôle de la dette. La microéconomie doit être cohérente avec le comportement des agrégats économiques. Modèle d’entreprise : pouvoir du monopole et du quasi-monopole, coûts de production décroissants avec des économies d’échelle, fixation du prix avec une marge. Indépendance vis-à-vis de l’idéologie. Absence de théorie de la valeur.

L’école sraffienne : interrelations entre toutes les marchandises au sein de la production. Dépendance de la quantité de capital au taux de profit. Phénomène de retour des techniques. Faiblesse : analyse avec des outils statiques.

Théorie de la complexité et éconophysique : modèles chaotiques déterministes. Analyse numérique par informatique. Relations non linéaires entre éléments d’un système, et capacité des systèmes complexes à s’auto-organiser. Compréhension du comportement des marchés financiers.

Ecole évolutionniste : hétérogénéité des consommateurs et variété de marchandises. Difficulté : développer des outils d’analyse cohérents avec l’évolution.

 

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Dans ce monument de plus de 500 pages, Steve Keen consacre plus de 450 pages à démontrer le manque de pertinence des économistes, et en particulier de l’école dominante, qui est celle des néo-classiques. Avec beaucoup d’exemples, mais aussi de répétitions et de redites, il démontre effectivement que les économistes ne pouvaient pas prévoir la Grande Récession de 2008, alors que certains d’entre eux étaient aux commandes du système financier, et avaient l’écoute des dirigeants politiques.

 

A travers ce livre, qui aurait pu être mieux structuré, on apprend que le courant dominant des économistes, au lieu de démontrer ses théories, a construit un véritable catéchisme composé de postulats, de dogmes et d’approximations parfois contraires à la réalité, notamment en masquant ses insuffisances par l’utilisation de formules mathématiques complexes et mal utilisées. Le pire, c’est l’ignorance ou la minimisation du rôle de la monnaie et des banques.

 

On voit donc que les économistes ne s’appuient sur aucune démarche scientifique, et on comprend mieux pourquoi, contrairement aux affirmations de certains medias peu soucieux de la vérité, le prix Nobel d’économie n’existe pas.

 

Michel KERVOAS / Août 2015

 

 

Renvois :

 

¤ Gosta ESPING-ANDERSEN, Trois leçons sur l’Etat-providence – FW N°27.

 

¤ Bernard GUERRIEN, L’illusion économique – FW N°27.

 

¤ Gilbert CETTE, Productivité et croissance (UE & USA) – FW N°27.

 

¤ Nicolas HERPIN, Consommation et modes de vie en France sur 50 ans – FW N°33.

 

¤ Günter PAULI, Croissance sans limite (ZERI) – FW N°36.

 

¤ Tim JACKSON, Prospérité sans croissance – FW N°38

 

¤ Jean-Marc DANIEL, Huit leçons d’histoire économique – FW N°46

 

¤ Daniel PINTO, Le choc des capitalismes – FW N°52.

 

¤ Laurence FONTAINE, Le Marché : histoire d’une conquête sociale – FW N°52.