Sociologie des réseaux sociaux

Avant même la mode des réseaux sociaux sur Internet, la notion de « réseau » connaissait en sciences sociales un succès grandissant depuis quelques décennies : les travaux pionniers des anthropologues de l’école de Manchester (John Barnes, Elizabeth Bott…) ou des sociologues du groupe de Harvard (Harrison White, Mark Granovetter…) ont fait émerger tout un ensemble de concepts, de modèles et de recherches empiriques : cette sociologie des réseaux sociaux consiste à prendre pour objets d’étude non pas les caractéristiques des individus, mais les relations entre eux et les régularités qu’elles présentent, pour les décrire, rendre compte de leur formation, de leurs transformations, et analyser leurs effets sur les comportements. Ce courant, en s’appuyant sur des approches empruntées à l’ethnologie et aux mathématiques, a su ainsi se constituer un domaine propre.

Tout en envisageant les apports de la sociologie des réseaux à l’analyse d’objets « relationnels » aussi divers que la sociabilité, l’amitié, le conflit ou la cohésion sociale, cette nouvelle édition, entièrement revue, s’interroge à la fois sur les bouleversements qu’y a introduit depuis une dizaine d’années le développement des réseaux sociaux sur Internet, et sur la prétention de ce courant à constituer un nouveau paradigme sociologique, une « troisième voie » théorique entre les approches macro-sociales et les approches individualistes.

 

Pierre MERCKLE

La Découverte – 2011 – 126 pages

 

Dans ce livre, l’auteur nous éclaire sur les outils d’analyse de la question sociologique traditionnelle. On comprend ainsi que l’avènement des réseaux sociaux sur internet n’est qu’une continuité et une amplification des relations entre plusieurs personnes ayant des points communs ou non. Son analyse sur ce point n’apparaît seulement qu’en fin d’ouvrage.

 

L’origine de l’analyse des réseaux sociaux

 

Dès 1908, Georg SIMMEL (1958-1918) étudie et définie les types de relations humaines d’un point de vue social : la domination, la compétition, l’imitation, le conflit… Et notamment la pauvreté  d’où il en déduit une définition fondamentale basée sur le relationnel : “les pauvres en tant que catégorie sociale, ne sont pas ceux qui souffrent de manques et de privation spécifiques, mais ceux  qui reçoivent assistance ou devraient la recevoir selon les normes sociales”.

 

Plus tard, Jacob L. Moreno (1889-1974), à partir de 1930, qui, en étudiant des ensembles de personnes, par exemple un groupe de jeunes filles pensionnaires, ou une classe de CM2 (que des garçons), en déduit une structuration sociale des relations, stable et fiable dans le temps.  La nouveauté chez J. L. Moreno est l’apport de graphiques, montrant les structures relationnelles. Selon PM, ces graphiques constituent une tentative intéressante et inédite d’organisation du passage d’un usage métaphorique à un usage analytique et opératoire de la notion de réseau.

 

 

 

 

 

 

 

 

À partir de cette découverte, nombreux sont les sociométriciens à utiliser les graphiques comme outils d’analyse.

 

Mais ce que reproche l’analyse des réseaux sociaux à la sociologie traditionnelle de l’époque c’est de regrouper les individus par attributs similaires, comme le sexe, l’âge, le métier, le lieu de résidence. C’est selon Maurizio Gribaudi (1998) une analyse restrictive, trop cloisonnée. En effet ce dernier montre que des interactions sont fréquentes en travers de ces catégories, que des relations fortes existent entre certains individus de groupe différent que la sociologie traditionnelle n’aurait pas relevé.

 

Le concept prédominant de l’analyse des réseaux, mesure la cohésion des groupes sociaux, leur densité et leur connexité.

 

Ainsi, selon Mark Granovetter (1973) pour mieux comprendre les réseaux et pouvoir en déduire une analyse, il est beaucoup plus vrai de regrouper les personnes selon les liens forts ou liens faibles de leurs relations.

Le lien fort est une relation fréquente avec un membre de sa famille ou des amis proches. À l’opposé, un lien faible est un lien relationnel avec des personnes plus distantes.

 

L’étude de M. Granovetter repose sur l‘observation de la circulation des informations entre individus. Il remarque qu’une information qui ne circulerait que par des liens forts, riquerait fort de rester circonscrite à l’intérieur de cliques* restreintes. À l’inverse cette information a beaucoup plus de chance de circuler plus largement quand elle est transmise par des liens faibles.

 

*clique : ensemble de personne qui se connaissent toutes les unes les autres.

 

Les liens faibles plus puissants que les liens forts

 

Il conclut que “les liens faibles, souvent dénoncés comme source d’anomie et de déclin de la cohésion sociale, apparaissent comme des instruments indispensables aux individus pour saisir certaines opportunités qui s’offrent à eux ainsi que leur intégration au sein de la communauté”

 

Cette conclusion découle de l’étude d’un groupe de 300 cadres en recherche d’emploi de 1971 à 1972.

Ici, la conclusion de Granovettrer a résonance particulière avec ce qui se passe réellement aujourd’hui sur les réseaux sociaux en ligne.

 

La révolution relationnelle, les réseaux sociaux sur L’Internet

 

Les chercheurs en sociologie ont eu leur petite révolution en matière d’analyse des réseaux sociaux en ce qui concerne les outils et la matière pour analyser ; les réseaux sociaux sur l’internet leur offrent un grand corpus de données à moindre coût, facilement accessibles et de façon rapide. En revanche auprès des utilisateurs, pas de révolution, un accompagnement plutôt, vers une sociabilité différente et beaucoup plus élargie. C’est à dire que les groupes qui communiquent entre eux sont plus mixtes, plus grands, plus anonymes aussi.

 

Une enquête (Wang, Wellman 2010) a démontré que les liens amicaux entre adultes de 25 ans à 74 ans ont augmenté entre 2002 et 2007, aux États-Unis.

Cela dit, dans certains domaines, la mixité sociale n’est pas une évidence. C’est le cas pour les sites de rencontres en ligne, Meetic (France), Match (É-U) où l’on s’est aperçu que les liens faibles n’étaient pas prédominants et que chacun cherchait à rencontrer celui/celle qui lui ressemble. On s’autorise à parler ici d’une endogamie numériquement assistée (Lardelier, 2004).

 

En conclusion

 

PM esquisse une un avis de l’avènement des réseaux sociaux sur internet dans le domaine de la politique, chez les jeunes et les professionnels, mais en 2011 finalement, peu d’enquêtes permettent de prendre assez de recul pour établir des certitudes. Aujourd’hui en 2016, il est certain que l’observation des transformations sociales n’a pas fini de faire débat et d’enrichir de nombreux travaux.

 

 

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