Cerveau augmenté, homme diminué

Le cerveau humain connait, étudie, explique et comprend, au point qu’il en est arrivé à prendre comme objet d’étude… lui-même. Et les nouvelles connaissances sur le fonctionnement du cerveau ébranlent profondément nombre de croyances au fondement de la culture occidentale. Car les remarquables avancées des neurosciences rendent en effet désormais envisageable pour certains la perspective d’améliorer le cerveau et de supprimer ses faiblesses et ses « défauts » : le rêve d’un cerveau « parfait » semble à portée de main.

Cette vision conduit à considérer notre cerveau comme  un ordinateur qu’il s’agirait d’optimiser en l’améliorant par divers outils pharmacologiques ou informatiques. L’auteur montre ici pourquoi ce nouvel idéalisme du « cerveau augmenté » est en réalité une illusion dangereuse : le monde qu’entendent préparer les transhumanistes  et certains scientifiques risque fort d’être habité par la folie et la maladie…

Miguel BENASAYAG

La Découverte – 2016 – 200 pages

MB fait partie de ces auteurs, au demeurant compétent dans leur domaine de prédilection, qui prétende s’égarer dans des domaines qu’ils connaissent fort peu ; ainsi en est-il lorsqu’il décrit les nouveaux défis de « l’anthropocène », truc inventé par des simplistes pour stigmatiser l’être humain qui, à lui seul, aurait « créé » une nouvelle ère géologique, rien de moins. C’est absurde : lors du congrès mondial de géophysique, sur 180 contributions,  deux ont osé – timidement – défendre cette thèse digne des créationnistes.

 

Sur le sujet proprement dit.

La roue, la charrue, l’écriture, l’imprimerie, la poudre, les antibiotiques,  etc. : toutes ces inventions ont en commun le don fait à l’humanité de nouvelles possibilités, qui lui permettent de conquérir de nouveaux territoires. Pourquoi les territoires virtuels de l’information numérisée n’offriraient-ils pas des opportunités  analogues  ? C’est que, à la différence de tous les caps antérieurement franchis par l’humanité, hormis l’écriture, la technologie numérique n’a pas offert pour l’instant à l’homme un nouveau mode d’être au monde ; elle l’éloigne au contraire du monde et de son pouvoir d’agir, même si elle lui donne accès à un très fort pouvoir dans le domaine technologique.

Tout se passe comme si la culture et la vie n’avaient pas eu le temps de métaboliser, de comprendre ni d’intégrer la puissance des nouvelles technologies numériques associées aux nouvelles connaissances sur le cerveau. C’est ainsi, d’après MB, que l’on a associé de manière abusive le nom de neuromarketing aux connaissances actuelles.

Le défi de notre époque  consiste  donc essentiellement à articuler nos fantastiques connaissances et la puissance de la technologie avec la connaissance et le respect des circuits de la vie. Le point de vue technologique prend en compte les possibles technologiques et théoriques, mais sans comprendre les compossibles de la vie et de la culture, qui sont loin d’être les mêmes. La régulation des « possibles  », la considération des dimensions historiques et diachroniques, une recherche fondée sur le principe d’une organicité complexe sont quelques- unes des pistes, non pas contre la science mais à partir d’elle et pour elle, comme des façons de produire une hybridation dans laquelle la vie et la culture pourront coloniser la technologie et non l’inverse, comme cela se produit aujourd’hui.

PhS