Le capitalisme 3.0

Le capitalisme 3.0 est à nos portes. Après l’âge de la vapeur, puis celui de l’électricité, une nouvelle révolution industrielle est en marche. Google, Uber, Amazon, Apple, Facebook, Wikipedia sont les éléments avancés d’une vague qui va emporter l’économie et la société toute entière.
Entreprises, administrations et salariés sont menacés. À moyen terme, nous disent
Philippe Escande et Sandrine Cassini, journalistes au Monde et aux Echos, un emploi sur trois pourrait disparaître. Avocat, médecin, banquier, professeur, journaliste… toutes les professions sont concernées.
Fin du salariat, fin des petits chefs et des grandes organisations, le monde du travail construit au début du XXe siècle est en train de se recomposer. Fin de l’intimité aussi ! Etats et entreprises peuvent désormais tout savoir de nos besoins, de nos désirs, de nos vies. Mais il est aussi plus facile qu’hier d’entreprendre, de travailler, de se faire connaître… Le numérique rend plus libre, plus informé plus créatif. Moins seul.
Sommes-nous à l’aube d’un hyper capitalisme marchand où tout sera à vendre ? Ou inversement la société va-t-elle se convertir à l’échange et au partage ? Enfer ou paradis ? Un voyage au coeur du nouveau monde qui nous attend.

Philippe ESCANDE et Sandrine CASSINI
Bienvenue dans le capitalisme 3.0
Albin Michel – 2015 – 245 pages

Après le web 1.0 et le web 2.0, apparait le web 3.0. On commence aussi à parler
de l’économie 3.0 . Mais les auteurs du présent ouvrage utilisent un autre concept, celui du capitalisme 3.0. Ils ne nous donnent pas de définitions précises de ce nouveau capitalisme, ni de l’économie 3.0, mais par de nombreux exemples ils nous font sentir de quelle manière évolue ce futur 3.0 grâce notamment à des formules lapidaires, par exemple : « Dans ce nouvel univers, Google remplace General Electric comme symbole de la puissance américaine ».
La panique engendrée par ce capitalisme 3.0
Cela rappelle « le choc du futur » d’Alvin Toffler. Les métiers classiques sont en danger. Le tsunami de L’Internet détruit une bonne partie de l’industrie, de la musique et de la presse. Il s’infiltre partout : dans les transports, l’hôtellerie, le tourisme. L ‘alarme sonne également pour le courrier dont la dématérialisation du courrier administratif et des factures représentent plus de 90%du trafic postal. Elle sonne aussi pour les assurances dont le métier va être bouleversé par l’informatique en réseau.
Le consommateur tente de changer les règles du jeu et de prendre le pouvoir. « ll a trouvé dans le numérique et l’économie du partage des alternatives face aux
industriels, obligés de s’aligner ou de disparaître… La SNCF, G7, Hertz ou les hôtels Accor en sont déstabilisés.»
Les emplois hors salariat se développent. Le CDI à vie issu des Trente Glorieuses se
fissure. De nouvelles formes d’activités se développent : emplois temporaires, sous-traitance, multi activité, portage salarial… Face à ces tendances le droit du travail doit être repensé.
Cela nous renvoie à l’actualité sociale française. Mais les débats sur le projet de loi Travail se focalisent sur la relance de l’économie, la diminution du chômage, la protection des salariés. Mais l’adaptation à la mise en place du capital 3.0, un enjeu essentiel du futur, est, sauf exception, passé sous silence.
Un nouveau capitalisme s’installe, avec les fameux GAFA – Google, Apple, Facebook,
et Amazon -, des fortunes considérables sont en train de se constituer tandis que le pouvoir change de main. Le capitalisme 3.0 s’installe.
Par ailleurs les bénéficiaires de ce capitalisme 3.0 – les GAFA et leurs avatars que sont Airbnb, Uber ou Netflix – ne paient que très peu d’impôt malgré l’importance de leurs profits. Ce système d’optimisation fiscale prend le nom d’un sandwich « le double Irish ». L’Irlande offre ainsi des avantages : des impôts sur les sociétés et des charges sociales plus bas qu’ailleurs, mais surtout une législation qui autorise les entreprises à loger leurs bénéfices dans des sociétés de droit commercial irlandais, résidant dans des paradis fiscaux qui font la une des médias, au moment de la rédaction de la présente note. Jusqu’à présent, notamment en France, aucun système fiscal efficace n’a été trouvé face au numérique.

Le fondement du capitalisme 3.0 : le logiciel
C’est la ressource la plus précieuse du 21e siècle. La numérisation du monde se construit autour du logiciel informatique.
Le système analogique a cédé la place au numérique. En 2013, 98% de l’info a basculé vers le numérique. Le logiciel est en train de manger le monde. Grace à la numérisation de toutes les données, il devient la pièce essentielle où est concentrée l’intelligence. « Les entreprises qui gagnent sont soit des nouveaux arrivants venus du logiciel soit des entreprises qui se sont transformées autour de cette nouvelle technologie ». Uber n’est pas une société de transport, mais d’informatique.

Une aventure vertigineuse a commencé avec l’invention du microprocesseur par Intel en 1971. Elle est caractérisée par :

  • la course à la puissance de calcul microprocesseur d’Intel sorti en 2012 est six cent mille fois plus puissant que celui de 1972
  • la course au stockage et au traitement des données
  • la course à l’algorithme : suite de règles logiques simple dictant à l’ordinateur ce qu’il doit faire.

Leurs utilisateurs sont capables d’exploiter les données nouvelles, de deviner nos
besoins et nos envies ou d’imaginer les services qu’il nous faut. Cette science est désormais un passage obligé pour se faire une place dans le capitalisme 3.0. quel que soit le métier. Elle permet le succès d’Autolib’, Google Car – la voiture pilotée par logiciel – et de la Telsa qui est « un ordinateur sur roue ».
Le carburant du capitalisme 3.0 : les données sont le nouvel or noir du 21e siècle. Big Data c’est le vertige des grands nombres.

L’invasion du capitalisme 3.0 dans tous les domaines.
De la fiction du film « Minority Report » à la réalité. Le logiciel PredPol qui permet de donner des indications sur les prochains délits, est utilisé à Los Angeles.
La notion d’échantillon devient désuète et tous les métiers basés sur les statistiques
et l’anticipation du futur sont touchés et en particulier l’assurance, un des produits déjà les plus achetés sur internet, notamment par Google.

L’ère du sur mesure à grande échelle grâce à l’imprimante 3D. L’industrie 4.0 aboutissant à des « smart factories » consiste à connecter les machines entre elles ainsi que les produits qu’elles fabriquent et à utiliser les possibilités incommensurables des Big Data. C’est une nouvelle révolution industrielle qui est en route. Après la vapeur, l’électricité et l’électronique, voilà le numérique. « Apple ressort de ses cartons ses rêves d’usines entièrement robotisées.»
Mon docteur est un ordinateur. Le numérique permettra un déluge d’informations grâce aux objets connectés que l’on peut utiliser chez soi et qui commencent déjà à se multiplier aux Etats-Unis; la loi Obama care ayant déclenché un raz de marée de start-up dans ce domaine. Du fait du besoin d’économies, les acteurs traditionnels sont condamnés à mettre le cap sur le numérique. C’est un défi considérable pour l’état – providence français : s’adapter ou mourir.

L’école version 3.0. L’école sans maître, remplacé par L’Internet, le pionnier, un Américain Salman khan, a fondé la Khan academy gratuite. Cette plate-forme de « Moocs » – « cours massivement en ligne »- dans toutes les matières académiques, diffusés sur You Tube a débarqué en France. Les universités de différents pays s’y sont mises. Xavier Niel a financé à Paris une école informatique gratuite : l’école 42 également sans professeur.

Les nouvelles lois du capitalisme 3.0
Écrasement des niveaux hiérarchiques du fait des mails et des réseaux sociaux
d’entreprise. Éclatement dans le temps et dans l’espace de l’entreprise : travail à distance, la mission se substituant au temps de travail.
Les frontières de l’entreprise éclatent : « des organisations très souples, fluides et de
petite taille, seront-elles des équipes d’indépendants réunies autour d’un projet bien défini ? » Si tous les types d’organisation coexisteront probablement longtemps, les entreprises géantes devront revoir leur organisation. GE par exemple prévoit de rendre la leur plus légère et entièrement dédiée au service du client. Grâce aux objets connectés, elle pourra entretenir et suivre ses produits tout au long de leur existence chez la clientèle. Le produit devient un service auquel on s’abonne.
Le développement de l’économie collaborative. le numérique est une arme du
consommateur lui permettant d’entrer directement en relation avec les offreurs, ce qui permet d’abaisser le coût des transactions.
Passer de la possession et de la consommation de masse à une société de l’usage
et de l’entraide dans des unités gérées localement. La surveillance commerciale, étatique ou crapuleuse nécessitera de la part des individus la mise en place de mécanismes de défense.
Le Web permet de changer la société sans prendre le pouvoir : mobilisation de masse des internautes, quel que soit le moment de l’année sur un sujet politique. Les citoyens surveillent et protestent. Mais le web peut aussi aider à prendre le pouvoir. Obama a su fédérer autour des réseaux sociaux une communauté de militants, lors de sa réélection.
En France, association démocratie ouverte a créé la plateforme Parlement & citoyens
afin de permettre à ces derniers de participer à l’élaboration de la loi. Mais sur neuf cent vingt cinq parlementaires seuls six sont pour l’instant actifs sur cette plateforme.

Conclusion
Vers quel monde le capitalisme 3.0 nous oriente-t-il ?
« Enfer ou paradis, libération ou asservissement… Comme Prométhée, nous
chercherons la puissance divine pour nous apercevoir qu’elle est à nouveau plus loin que jamais. »
« Le passé n’éclaire plus l’avenir, l’esprit marche dans les ténèbres. »
Alexis de Tocqueville.
GG