Millefeuille territorial et décentralisation

Les structure d’organisation du territoire français se sont empilées au fil des années et s’inscrivent dans une pyramide au sommet de laquelle se situent Paris, l’Etat et le Gouvernement. Ce système centralisé n’a fait que renforcer le déséquilibre entre l’Ile de France et les Régions.

            Des réformes territoriales ont pourtant été réalisées qui continuent d’affecter les communes regroupées dans les intercommunalités, les pays, les cantons, les agglomérations urbaines et, plus récemment, les départements, les régions et les métropoles.

Pourtant ces bouleversements territoriaux n’ont pas fait bouger le millefeuille territorial dont il faut réduire le nombre de couches et décentraliser le fonctionnement.

            L’auteur plaide pour une réorganisation des collectivités locales et régionales dans un nouveau partage du pouvoir politique et économique entre Paris, l’Ile de France et les Régions, faisant du pouvoir régional la voie de sortie du centralisme. Il formule douze propositions en ce sens.

François HULBERT
L’Harmattan – 2014 – 75 pages

         Petit livre : grandes idées et propositions !

 

         Les constats présentés par FH sont souvent bien connus des observateurs de l’organisation et du fonctionnement du système politico-administratif français qui n’arrive pas à trouver un équilibre optimal. Il est malin quand il rappelle la Constitution française qui exprime « la France est une République décentralisée », ce qui, effectivement, fait bien rire nos voisins européens.

         L’auteur ne se cache pas de considérer – comme dans tous les grands États de l’Union Européenne – que la Région est le maillon le plus important, pertinent et en phase avec les mutations actuelles et à venir. Mais en se contentant jusqu’à ce jour du peu de pouvoir et de moyens qu’à bien voulu lui consentir l’Etat central, la Région actuelle est devenue au fil des années complice d’un système qui privilégie les relations avec Paris au détriment des capitales régionales.

 

       Le centralisme français, générateur d’effets iatrogènes multiples que les pouvoirs publics se gardent bien de quantifier se situe même dans des mobilités concrètes. Ainsi, les aéroports de Paris concentrent à eux seuls un trafic de 90 millions de personnes, tandis que l’ensemble des aéroports régionaux totalise un total de 70 millions de passagers. Chez nos voisins germaniques, les trafics de passagers s’équilibrent entre les grandes métropoles comme Francfort, Hambourg, Munich, Stuttgart … et Berlin.

       L’auteur n’est pas tendre avec les « décentralisations » passées qui n’ont permis, au final, aucune rationalisation. Il en va ainsi des 36 000 communes et comble de la non-réforme, des Intercommunalités. Alors que celles-ci devaient, outre regrouper des compétences déléguées par les communes (ce qui fut peu fait, les doublons ou les triplons étant restés nombreux), elles devaient aussi arriver à la disparition des syndicats (SIVU et SIVOM). Le mécanisme engagé dès 1992 a conduit à supprimer « seulement » 4000 syndicats sur les 16 000 pré-existants.

 

        Comment le citoyen ou le chef d’entreprise qui cherche un interlocuteur pour investir peut-il s’y retrouver avec les communes, les syndicats, les communautés de communes, les pays, les communautés d’agglomération, les communautés urbaines, les conseils généraux, les conseils généraux… sans oublier les services de l’Etat ? Pour simplifier, le gouvernement de 2014 a décidé d’y ajouter des métropoles. Il note aussi que les règles ne sont pas universelles. Ainsi des communautés urbaines anciennes gardent ce statut alors qu’elles n’en ont pas les caractéristiques définies par la loi. Comprenne qui pourra.

         Au fil du temps, les Régions n’ont pas su réagir à la mesure de l’enjeu contre des schémas d’organisation du territoire qui finissaient toujours par présenter la consolidation de l’Ile de France comme le seul scénario viable ne menaçant pas l’unité nationale. En utilisant le «  risque de repli identitaire », l’Etat central a toujours repoussé un concept devenu moteur du développement et qui établit des liens avec l’affirmation identitaire et le développement économique régional. C’est pourtant sur cette base qu’il faut reconstruire les régions dans une perspective de décentralisation véritable.

       Les Régions engagent 11% des dépenses publiques, les Conseils Généraux 28%, les communes et les intercommunalités 61%. La Région française a en moyenne un budget de l’ordre de 400 Euro par habitant ; 3500 Euro en Allemagne, 3000 en Suède, 2500 au Danemark, etc.

        Dans la perspective de construction d’un véritable pouvoir régional, les Régions doivent reconnaître qu’il est de leur intérêt d’avoir un nombre limité de métropoles qui en définit l’importance dans une France (véritablement) décentralisée. En raison de leur attractivité actuelle et potentielle, de leur positionnement dans l’Hexagone par rapport à Paris et des équipements dont elles disposent ou qu’elles pourraient se donner. Pour FH, il faut retenir Lille, Lyon, Marseille, Nantes, Strasbourg, Toulouse.

            L’auteur ajoute, et c’est sans doute sa proposition la plus créative, que la choix d’une capitale politique régionale va aussi s’imposer aux Régions futures, mais il est souhaitable de différencier la capitale de la métropole pour rééquilibrer les territoires.

            P.73, FH présente une carte de recomposition des Régions actuelles. C’est le point faible du raisonnement car il ne prend pas en compte la culture des nations qui composent la France ; dommage…

 

 Renvois :

¤ Michel KOEBEL, Le pouvoir local ou la démocratie improbable – FuturWest N°20.
¤ Hervé LE BRAS, Les 4 mystères de la population française – FuturWest N°25.
¤ Martin VANIER, Le pouvoir des territoires – FuturWest N°28.
¤ François GARCON, Le modèle Suisse – FuturWest N°33.
¤ Michel PERALDI, Ils ont volé la décentralisation ! – FuturWest N°50.

L.F