La « mal-bouffe » s’est imposée en écho aux peurs irrationnelles sur la volonté affirmée des industriels de l’agro-alimentaire décidés à nous faire périr via une alimentation artificielle néfaste pour la santé. Quand on regarde froidement la situation on ne peut que s’étonner d’une telle affirmation désinvolte. Depuis que l’alimentation serait devenue industrielle l’espérance de vie, non seulement à la naissance mais aussi à partir de 60/65 ans se serait accrue sans cesse ?
Certes, les contempteurs existent qui nous expliquent doctement que cette tendance va ralentir puis s’arrêter ; pourtant, les données récentes montrent que dans les Pays anciennement les plus développés cette espérance de vie continue à progresser (la seule exception serait les USA et encore faut-il discriminer les données Etat par Etat). Dans le même registre 40 cas mortels par intoxication alimentaire en France de nos jours contre 4000 il y a 40 ans !
L’accroissement de la longueur de la vie tient à trois facteurs primordiaux, parfaitement identifiés sur l’histoire longue (depuis plus de 150 ans) : mise en place des mesures d’hygiènes corporelles individuelles (savon, douche, WC…) et collectives (eau potable, assainissement, tout-à-l’égout…) ; développement des découvertes médicales curatives et prédictives (comme les vaccinations) + chirurgie de plus en plus sélective ; alimentation suffisante en calories et variée selon les saisons et les approvisionnements. Bien entendu, une alimentation conforme aux besoins physiologiques n’est pas corrélée avec des goûts relevant de la gastronomie, là n’est pas la question.
Dans les faits, la capacité d’adaptation de l’être humain à des évolutions a priori contradictoires avec son intégrité sanitaire est proprement sidérante ; sinon comment expliquer qu’avec tous les « poisons » qui se trouvent dans nos assiettes nous soyons toujours plus nombreux à devenir centenaires ? Un autre exemple est celui que les chercheurs découvrent depuis quelques années parmi la faune et la flore de la zone contaminée par l’accident de Tchernobyl, il y aura bientôt trente ans. Outre la surprise d’y découvrir des animaux (oiseaux, souris, biches, lapins…) qui n’auraient pas dû survivre voire se reproduire et qui ne présentent qu’à la marge des mutations tératologiques, le plus spectaculaire se trouve parmi des arbres qui ont incorporé dans leur cycle de croissance des isotopes radioactifs… qu’ils ont confondu avec d’autres éléments chimiques voisins – exemple, césium à la place de strontium.
Les inégalités biologiques acquises à notre naissance sont bien plus déterminantes que notre adaptation physiologique à gérer des produits initialement perçus comme incompatibles avec notre santé. C’est, à des siècles de distance, la mithridatisation, du nom du souverain Mithridate (1er S.avJ-C) qui, craignant de mourir empoisonné avait, sur les conseils de son médecin, ingurgité régulièrement des petites doses de poisons qui l’avaient immunisé. Plus près de nous, Paracelse (16e) a laissé cet aphorisme « Rien n’est poison, tout est poison, tout dépend de la dose ».
Ce qui n’enlève rien à notre vigilance raisonnée.
Liam FAUCHARD / FutureScan / Octobre 2014