PERMAECONOMIE

Focus sur le schéma de la Permaéconomie – Emmanuel Delannoy – p.122 – 2016

« Encore masquée par le fracas du vieux monde, une révolution économique est en cours. Fondée sur une nouvelle relation au vivant inspirée de la permaculture, la permaéconomie entretient la richesse de la biosphère, ce socle fondamental de toute prospérité.

Or dans son fonctionnement actuel, notre économie ne semble plus capable de créer la prospérité partagée qu’on est en droit d’attendre d’elle. La confiance n’y est plus. A qui la faute ? S’il y a bien sûr les excès d’un capitalisme « hors sol », financiarisé à outrance, il y a aussi la majorité silencieuse qui laisse faire, dépassée par un système dont les rouages lui échappent.

Chercher à comprendre, c’est déjà désobéir. Entreprendre autrement, produire autrement, consommer autrement, c’est déjà résister.

De nouveaux modèles révolutionnaires sont déjà à l’œuvre : économie circulaire, économie de la fonctionnalité, biomimétisme… La permaéconomie est le nouveau paradigme qui permet de les mettre en cohérence.

Emmanuel Delannoy en présente ici les principes et ses premières réalisations, pour les citoyens, les entrepreneurs, et les décideurs. »

Emmanuel DELANNOY

Permaéconomie

Éditions Wildproject, collection « le monde qui vient », 2016, 146 p.

Ce schéma de la permaéconomie invite à une remise en cause de « l’échec du développement durable«  depuis plus de 30 ans. La critique sur les trois sphères juxtaposées du social, de l’écologie et de l’économie – avec à leurs intersections les « vivable », « viable », « équitable » – renvoie à cette « durabilité faible » qui omet de convoquer les risques sur « la dégradation de la biosphère et l’épuisement des ressources« . A partir des travaux de l’économiste René Passet, le schéma propose non pas de se lamenter de cette situation de fait, mais d’établir un nouveau cadre de réflexions et d’actions.

En reprenant dès le début les mots d’Albert Einstein – « le monde est dangereux non pas tant à cause de ceux qui font le mal, mais à cause de ceux qui regardent et laissent faire » – la mobilisation d’une série d’initiatives révèle ce passage à l’acte : une alternative au perchloroéthylène par la PME AT Industries, une durée plus longue pour des pneumatiques poids-lourds de Michelin Fleet Solutions, une valorisation énergétique de la chaleur perdue par un système de compression de l’air de la PME Établissements André Cros à Echirolles (38)… Ces exemples insistent sur les capacités d’innovation et de croissance entendues sous l’angle de l’économie de la connaissance, au profit d’une approche « servicielle » de l’entreprise basée sur 6 segments : l’installation, la maintenance, la formation, la gestion, la réparation et le reconditionnement.

« Les spécialistes de la thermodynamique nous apprennent que, si on ajoute de l’information dans un système, on en diminue l’entropie« . Cette quête des métadonnées nécessite de nous replonger dans les grandes étapes de l’évolution : depuis 4,55 milliards d’années en passant par l’apparition du vivant (3,8 milliards d’années), l’extinction des dinosaures (65 millions d’années), le néolithique (8000 ans) puis la révolution industrielle (150 ans). Cette dernière séquence nous a permis d’effectuer un bon dans la connaissance à commencer par l’acquis de ce paradigme de la thermodynamique : toute énergie est conservée (cf. Lavoisier : « rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme« ), mais l’utilisation de l’énergie la dégrade soit l’entropie. Dès lors, cette invitation à investir dans la connaissance au travers de la personnalisation des produits ou de l’amélioration de la réactivité constitue un véritable vecteur favorable à une relocalisation industrielle.

Pour atteindre cet objectif, le premier champ d’investigation proposé est celui du vivant considéré comme une nouvelle filière économique à part entière : depuis les années 2000, 22 000 emplois en France ont été créés en génie écologique. Ces nouveaux partenaires du biomimétisme soutiennent une réelle rupture du mode de développement des territoires par rapport aux « post-modernes » pour qui l’exploitation des ressources naturelles de matières premières (pétrole, gaz, charbon…) est quasi-inépuisables. Mais « après tout, nous ne sommes pas sortis de l’âge de pierre parce que nous avions épuisé nos réserves de pierres. N’attendons pas l’épuisement du pétrole pour sortir de l’âge du pétrole » 😉 !

Dès lors, Emmanuel Delannoy propose des leviers d’actions à la fois dans la définition de nouvelles règles et des coercitions associées, d’intégration des coûts environnementaux dans les prix et/ou d’une fiscalité ajustée, du soutien par une commande publique orientée, d’une facilitation des échanges par des monnaies locales (à la fois pour le commerce de proximité et entre entreprises tel que l’exemple suisse du WIR), et par la mise en évidence de ces multiples initiatives et autres engagements prometteurs permettant de « faire autrement (plutôt) que d’acheter les produits les moins chers« . Ce sont ces leviers – circulation de l’information, écoute des signaux faibles, coopérations – qui constituent les premiers chaînons de résistance à l’entropie.

Cette approche globale, systémique et fractale du vivant croisé à l’économie converge vers cette définition de la permaéconomie, telle que chaque lecteur peut l’apprécier en fin d’ouvrage. Elle rejoint cette notion de « durabilité forte » où la biosphère est reconnectée et resynchronisée à l’économie, telle que nous le travaillons actuellement dans le cadre du projet adapto au côté du Conservatoire du Littoral, où nous avons eu l’occasion de croiser notamment les travaux de l’un des spécialistes en la matière : Harold Levrel.