La radioactivité est-elle réellement dangereuse ?

Le Large Hadron Collider, ou grand collisionneur de hadrons, est l’accélérateur de
particules le plus grand et le plus puissant de la Terre. Prenant la forme d’un anneau
de 26,659 kilomètres de circonférence, lové cent mètres sous terre et officiellement
domicilié à Meyrin, à la frontière de la France et de la Suisse, il est constitué d’aimants supraconducteurs et structures accélératrices qui augmentent l’énergie des particules qui y circulent. Chaque jour, à l’intérieur de l’accélérateur, deux faisceaux de particules qui circulent en sens contraire à des énergies très élevées avant de rentrer en collision l’un avec l’autre. Les particules lancées à 99,9999991 % de la vitesse de la lumière effectuent 11 245 fois le tour de l’accélérateur par seconde et entrent en collision quelque 600 millions de fois par seconde. Les Incommensurables est une minutieuse enquête de terrain sur cette « cathédrale » enfouie qui offre la possibilité de se connecter à l’immensité et aux mystères de l’Univers, d’accéder à quelque chose qui dépasse largement l’humanité et qui,
pourtant, la contient, expression moderne de la transcendance.

Alpha, bêta, gamma : qu’avons-nous à craindre de l’infiniment petit ? Que se passe-t-il quand ces rayons nous atteignent ? Que sait-on de leurs effets sur les organismes vivants ? Que nous ont appris Tchernobyl et Fukushima ? Comment bien distinguer le risque du danger, estimer la probabilité, mesurer la gravité ? Comment se protéger de la radioactivité ? Et comment vivre avec ?

Jean-Marc CAVEDON
La radioactivité est-elle réellement dangereuse ?
Le Pommier – 2014 – 120 pages

« La tête carbonisée que je viens de détacher de l’allumette brûlée a un volume d’un
millimètre-cube. Dans ce petit volume, il n’y a quasiment que des atomes de carbones : ils sont au nombre de cent milliards de milliards soit 10 puissance 20. Tous les atomes sont des assemblages de trois particules élémentaires qui sont les protons, les neutrons et les électrons. »
Dès les premières lignes de son propos, l’auteur nous remet « sur nos pieds » avec de
données factuelles, rien que des données factuelles. Concernant les particules élémentaires, il aurait aussi pu écrire que nous, humains, sommes faits de ces trois particules… et de rien d’autre !

Plus loin, ils précisent les unités que nous utilisons : les becquerels pour connaître
l’activité de la radioactivité (les rayonnements alpha, bêta, gamma, issus de la désintégration spontanée du noyau atomique) ; les milli-grays pour en mesurer les effets à brève échéance sur des organismes vivants ; les milli-sieverts pour en estimer les risques à long terme. Un organisme vivant est une collection d’organes et de tissus, chacun étant constitué de cellules, elles-mêmes spécialisées par organe… et dotées de mécanismes d’auto -réparation particulièrement efficaces… sauf attaque trop forte (rayons, ici) : mais ce sont des situations contre lesquelles nous savons parfaitement nous protéger et il existe un seuil d’innocuité totale, ce qui est d’un
grand confort pour établir des règles de radioprotection.

Les pouvoirs de réparation spontanée sont puissants ; en effet, un seul choc d’une
seule particule sur une seule chaîne d’ADN suffirait à briser celle-ci… Si cette vision mécanistique était vraie, la vie n’existerait sans doute pas, puisque la radioactivité naturelle l’empêcherait de se développer. Les cellules disposent heureusement de mécanismes extrêmement efficaces de réplication des brins d’ADN et de réparation de leurs erreurs, qui entretiennent l’intégrité des codes génétiques, jusqu’à 1019 réparations chaque jour.

La radioactivité naturelle existe dans les sols. Elle vient aussi de l’espace : les rayons
cosmiques nous irradient tous les ans d’une dose de 0,4 milli-sieverts, tandis que la radioactivité naturelle issue de la Terre contribue en moyenne pour 2 milli-sieverts, dont les trois-quarts proviennent des isotopes que nous avons respirés, bus, mangés. La Terre est radioactive « naturellement » depuis son origine et le restera jusqu’à sa fin, d’ici quelques quatre milliards d’années terrestres.
Sur Tchernobyl et Fukushima, que n’a-t-on pas entendu comme âneries ?
Les rapports combinés de l’AIEA – Agence Internationale de l’Energie Atomique – de plusieurs sources + des études complémentaires faites par des équipes indépendantes, dont des ONG, montrent que l’hypothèse haute pour Tchernobyl porte sur 16 000 morts directs et indirects à l’horizon 2066, soit 80 ans après la catastrophe. C’est exactement le nombre annuel de morts dans toutes les mines de la Planète… dont personne ne parle. Pour les enfants exposés à l’iode-131 dès les première heures de l’accident, de l’ordre de 7 000 cancers excédentaires sont apparus entre 1990 et 2005 ; ils ont été quasiment tous guéris (15 décès observés sur la période citée).
Quant aux conséquences du séisme de Tohoku (Richter N9 / Exceptionnel) – qui a
entraîné la catastrophe de Fukushima -, elles sont à ce jour bien plus dramatiques en termes « classiques » tels que évacuation de populations, confinements, pertes de relations sociales et familiales … que dues à des décès liés aux radiations. Les 20 000 morts comptabilisés à ce jour relèvent du Tsunami et de sa violence.
NOTA = Il n’y a dans ces relations aucune « apologie du nucléaire », simplement des faits qui permettent de relativiser les dangers inhérents à l’énergie nucléaire qui sont parfaitement identifiés et contrôlés, à la différence des risques chimiques, par exemple.

Les déchets.
L’originalité des déchets nucléaires, par rapport à des toxiques chimiques, est que leur radiotoxicité disparaît à coup sûr au bout d’un certain temps alors que la toxicité d’un produit chimique stable est éternelle. D’où le projet de stockage en sous-sol profond de long terme à Bure dans l’Est de la France, pour ce qui est des radio-isotopes à vie longue.

JMC traite de l’information (?) médiatique irraisonnée.
La préférence des mass-médias pour une nouvelle inquiétante assénée avec force, plutôt que pour une interrogation scientifique (vraie) qui ne veut pas conclure sans preuves, est une prime donnée au sensationnel, ce qui ne fait pas avancer les débats. Pour œuvrer au développement que nous souhaitons équitable et durable, nous devons éviter les pièges de la non-décision, car il y a fort à parier qu’elle n’est qu’une mauvaise décision qui s’ignore.
Pour que les décisions soient, elles aussi, équitables et durables, il faut non seulement que ceux qui n’avaient pas la parole la prennent, mais qu’ils prennent aussi la pleine mesure des responsabilités qui les attendent.
Le livre se termine par un « pense-bête » utile qui résume schématiquement
mais facile à retenir, de l’effet des milli-sieverts, limité aux divisions en puissances de dix. Simple et pratique.

Renvois :
• « Les nucléaires et leurs avenirs » – Nantes – Décembre 2014 – www.futurouest.com
• Alessandra BENNUZI-MOUNAIX, La fusion nucléaire – FW N°29.
• Michel CLAESSENS, Science et communication – FW N°38.
• Peter ATKINS, Les 4 grands principes qui régissent l’Univers – FW N°39.
• Jean-Christophe de MESTRAL, L’atome vert (Filière Thorium) – FW N°44.
• Gian Francesco GIUDICE, L’odyssée du Zeptoespace – FW N°50.
• François JARRIGE, Techno-critiques – FW N°53
PhS